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la crevette à moustache

MYANMAR - Off the beaten track

Tout commence avec une rencontre très attendue : la "off the beaten track connection"; Fern, la belle-fille du dernier prince Shan. Son beau-père enlevé, tué par la junte, son mari incarcéré plusieurs fois, la vieille dame n'a pas sa langue dans la poche. S'ensuit une discussion sans langue de bois sur la politique et l'histoire du pays...

Et puis tombe l'info d'une nouvelle ville ouverte depuis 1 mois au tourisme : Namkham, un minuscule point sur la carte à la frontière chinoise, rendu célèbre par un hospital créé par un médecin américain alors que le Myanmar était encore sous domination anglaise. Celui-ci fonctionne toujours et est dans la région un symbole vivant de l'opposition à la junte.

Namkham c'est aussi la frontière entre les états Shan et Kachin, une région de montagne avec des villageois encore bien traditionnels et en rebellion contre le pouvoir central.

Et puis rejoindre Namkham ouvre aussi la perspective de pouvoir connecter deux routes du nord jusqu'ici bien distinctes: celle de l'état Shan (nord-est), reliant Mandalay à la frontière chinoise et la route qui suit l'Ayeyarwaddy (rivière qui traverse en son centre du nord au sud le Myanmar) et qui passe aussi par Mandalay. Ces deux routes empruntant des chemins qui se rejoignent à Bhamo, une ville qui n'est qu'à 60 miles de Namhkam, la possibilité d'une boucle du nord s'ouvre à nous! Il nous faut juste arriver jusque là et puis trouver un moyen pour parcourir ces 60 miles de route pas vraiment autorisée aux touristes...easy!

On mise avant tout sur notre débrouillardise, nos rudiments de birman, notre propention à ne rien lâcher, notre capacité hors du commun à nous fondre dans la population locale. Et si cela ne devait pas suffire, on a toujours nos regards de chats attendrissants ou de Belges stupides qui vraiment ne comprennent rien à rien et qu'on préfère envoyer en avant plutôt que les garder dans sa ville... une fois!

Tout semble parfait car la team rocket, nous, a été rejointe par deux amis saint-gillois, Jerem & Rosy, baroudeurs de l'extrême, c'est donc à quatre qu'on se lance dans l'aventure. Le trajet est assez commun, un bus bondé, des sacs de riz en guise de couloir central, des gens qui vomissent, des clips de karaoké à fond, une pause pour réparer un patin de frein qui fume, la routine quoi ...

Quelques kilomètres avant Muse, terminus de notre bus, premier contrôle et premier regard embêté de l'officier de l'immigration. On photocopie nos passports, on télephone beaucoup, on met plein de cachets sur les photocopies. Pendant ce temps là, le bus attend. On nous remet les copies, on peut continuer mais on a l'obligation d'aller se présenter à un autre poste de l'immigration à notre arrivée à Muse. Ils semblent soulagés de s'être débarassés de nous, maintenant c'est pour les suivants!

Muse, drôle de ville coupée en deux, une moitié au Myanmar, crasseuse et sentant bon le traffic et le pot de vin, et de l'autre côté la Chine, où on ne voit que gratte-ciel et gros shopping malls. Et à l'immigration, c'est reparti photocopie-cachet-regard embêté.

Une heure de taxi plus tard, nous voilà à Namkham, petite bourgade bien sympathique semble-t-il, mais que nous ne faisons que traverser car notre taxi nous ammène, comme de coutume, à l'immigration. Sur le mur, un panneau à la craie recense les étrangers présents en ville : 480 Chinois, 5 Indiens, et dans la colonne "autres", 0. Nous sommes reçus, ou plutôt attendus par le chef du bureau de l'immigration, Don Corleone de la paperasse et du recensement ethnique. Qui nous explique qu'on n'aurait jamais dû venir jusque ici, qu'il n'y a rien à voir. Qui maudit ses collègues des autres bureaux qui sont des incompétents qui ne connaissent pas la situation ici, que Namkham c'est dangereux, et surtout que la route jusqu'à Bahmo n'existe plus. Que malgré le cessez-le-feu signé avec l'armée indépendantiste du Kachin, il y a encore des combats de temps en temps et puis y'a plus de pont, y'a peut-être des mines... Bon, qu'en résumé on ferait mieux de retourner d'où on vient ou en tout cas ne pas rester plus d'un jour ici.

Whaw, on ressort de là gonflés à bloc, c'est tout à fait ce qu'on recherchait: on ne veut pas de nous ici mais ils n'ont pas les moyens légaux de nous faire partir, je sens qu'on va l'aimer cette ville! Namkham c'est pas la plus belle ville du monde et l'hôpital est une grosse batisse utilitaire, mais que de sourires, que de gens heureux, que de simplicité dans les rencontres. En 1h, le quartier Est du marché était au courant de notre présence; 2h plus tard, le sud de la ville; et vers 19h tout le nightmarket a suivi avec passion nos hésitations pour choisir notre souper. Ceux qui parlent quelques mots d'anglais nous abordent spontanément pour confectionner avec joie et difficulté une phrase au sens incertain mais emplie du bonheur de voir un étranger dans sa ville.

Le lendemain, nous avons continué notre visite de Namkham et de ses environs: toujours ces mêmes sourires, ces enfants surpris, curieux (et quelques fois terrorisés par ces têtes bizarres qui passent devant chez eux). Mais à coté de ça, après avoir questionné à peu près tout le monde dans la bourgade, nous avons bien dû nous rendre à l'évidence: il n'y a pas moyen, pour nous, de se rendre à Bahmo. La route est en effet détruite, ses ponts sont minés, et elle est encore sujette de temps en temps à des combats. Il existe bien une route parallèle qu'empruntent les locaux, mais qui passe par la Chine, ce qui signifierait pour nous commencer à passer des frontières sans y être autorisés dans une zone avec tension armée... On va s'arrêter là je crois.

Voilà comment s'arrête notre épopée dans le nord, par un demi-tour et un retour via la même route. Nous somme un peu frustrés de devoir rebrousser chemin mais l'expérience nous aura appris à voir la réelle beauté de ce Myanmar/Birmanie: sa population! Des gens ouverts, gentils, curieux, et surtout souriants, qui malgré la dureté de la vie regardent avec espoir ce que les échanges avec le monde, et en l'occurence à l'heure actuelle les touristes, apportent et apporteront à leur pays.

Greg

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